Une classification pour les séances de cordes ?

Peut-on classifier les séances de shibari ?

En fin de semaine dernière j’ai rencontré Norma pour une première séance de cordes ensemble. Je rencontre toujours les modèles potentielles dans un café pour faire connaissance en terrain neutre, échanger sur nos attentes dans les cordes, parler des 4C, … Pendant la discussion Norma m’a parlé d’un truc qu’elle a appris dans son asso de shibari à Lyon : Une classification pour le niveau d’interaction entre la modèle et le rigger.

J’essaie une nouvelle approche dans cet article avec des dessins bien plus simples, n’hésitez pas à me dire ce que vous en pensez dans les commentaires.

La classification

Titre classification shibari

Cette classification décrit 4 niveaux : La connexion, La sensualité, l’érotisme et le sexe. Personnellement j’ajouterai un niveau que j’ai trouvé dans le livre de Steph Doe et Alex Dirty VonP : La technique. Voilà les 5 niveaux qui, je pense, peuvent s’appliquer à une séance de shibari et que je vais vous décrire dans la suite de cet article.

Notes post publication

Suite à la publication de cet article vous m’avez fait de nombreux retours intéressants. Je les notes directement dans l’article mais en voici deux qui ne vont pas ailleurs :

  • Dave Rope m’a fait remarquer à juste titre qu’il peut y avoir des séances de shibari purement centrée sur l’esthétique. Je rajoute donc une catégorie.
  • Steph Doe me fait remarquer à juste titre que mon article peut laisser penser qu’il y a une échelle de progression à gravir. Ce n’est absolument pas le cas, il n’y a pas une catégorie mieux que les autres, personnellement j’aime tous les aspects du shibari. J’ai donc changé l’image du titre.

 

Technique

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Dans une séance de cordes technique la distance mentale entre le modèle et le rigger est la plus grande. C’est une séance d’entrainement durant laquelle on va surtout tester des figures, des frictions, des passages de cordes. On parle et on échange sur ce qui est ressenti, mais plutôt d’un point de vue physique : « Est-ce que cela gène si je passe la corde par cet endroit ? » « A ce niveau la corde est douloureuse, peux tu la remonter un peu ? »…

Ce sont probablement les meilleures séances pour s’entrainer à la pratique des cordes, mais pas forcément les plus satisfaisantes sur le plan du plaisir. Dans leur livre Steph Doe et Alex Dirty vonP recommandent d’ailleurs ce mode pour débuter. C’est également un bon moyen de casser la glace avec un nouveau partenaire car la parole fait un écran à l’intimité entre les deux individus.

Personnellement j’adore ces séances car :

  • Elles permettent de faire connaissance sans ajouter l’intimité mentale à l’intimité physique que la manipulation des corps et des cordes implique,
  • Elles sont d’excellents moyens de s’entrainer à de nouvelles figures en limitant grandement la prise de risques pour la modèle.

Connexion

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Dans ce type de séance l’état de connexion entre les deux partenaires est recherché. C’est un état dans lequel la parole perds de son utilité. On lui préfère une communication plus directe, d’esprit à esprit, à travers les corps et à travers la corde. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut surtout pas parler, c’est juste que d’autres canaux s’ouvrent et qu’ils sont plus fluides et plus naturels.

C’est la connexion qui m’a attiré dans le shibari et c’est quelque chose que je recherche activement. Bien évidemment on ne la trouve pas toujours, pas tout de suite, pas avec tous les modèles.

Sensualité

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Similaire à l’état précédent mais avec une intention de travailler aussi dans la sensualité. C’est à dire d’aller chercher son partenaire sur un plan qui ne passe pas que par les cordes. Il y a pleins de façon de parvenir à cet objectif : cela peut passer par la position évocatrice du corps de la modèle, par des passages de cordes à des endroits stratégiques, par un travail sur le contact entre la modèle et le rigger, par quelques mots susurrés à l’oreille ou par des stimulations plus directes sur le corps : claques, fessées, martinet, caresses, …

Dans cette recherche de sensualité on évite de stimuler les zones érogènes classiques : la bouche, les fesses, les seins, la vulve sont généralement hors limites. Les caresses visent à transmettre une intention, une énergie, pas à provoquer des réactions physiologiques. Je parle de caresses, mais il peut s’agir de jeux d’impacts, fouets, bougies …

Erotisme

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Cette fois on s’autorise toutes les stimulations, incluant les stimulations directes sur les zones érogènes. Dans cette catégorie on peut activement chercher l’orgasme de la modèle (même si depuis mes échanges avec Emmanuelle DUCHESNE je pense que l’orgasme n’est pas forcément une finalité). Là encore il existe une multitude de façon de stimuler la modèle. La différence principale avec la catégorie “Sensualité” c’est la stimulation plus directe des zones érogènes traditionnelles, ce qui va provoquer des réactions plus fortes, donc attention à la sécurité physique et mentale de toutes les personnes impliquées.

Sexe

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Comme son nom l’indique cette catégorie va vraiment vers le sexe : il y a pénétration d’une façon ou d’une autre, et probablement pas juste les doigts (qui font plus partie de la catégorie précédente d’après moi, mais cela se discute, une de mes modèles mettait clairement la pénétration avec les doigts dans la catégorie “Sexe”).

Personnellement je suis très prudent sur ce niveau de pratique : je ne suis pas sûr de savoir garder la tête assez froide pour pouvoir garantir la sécurité de ma modèle avec ce type de stimulation, donc je l’évite : il y a d’autres façons de se faire plaisir qui sont moins risquées pour les deux partenaires. Ceci étant dit j’ai pleins de témoignage qui me prouvent que le sexe dans les cordes est très agréable, donc tant que les deux partenaires sont conscients des risques, ce n’est pas moi qui jugerait.

Esthétique

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Je ne suis pas un grand connaisseur de cette catégorie car l’esthétique n’est pas ma priorité du tout dans les cordes. J’aime que les cordes soient propres, hein, mais je ne recherche pas activement l’esthétique. Ceci étant cette catégorie est d’après moi un complément des autres, par exemple on peut pratiquer en connexion tout en recherchant l’esthétique de la pause.

Souvent les séances qui ont pour finalité une recherche esthétique feront l’objet de photographies et d’une recherche sur le décors / le lieu de la séance.

Quelques pensées pour finir

A quoi cela sert ?

Je pense sincèrement qu’il est intéressant de bien se poser la question du niveau dans lequel va se placer la séance à venir. Cela peut être inclut dans la discussion sur les limites qui précède chaque séance et varier dans un sens ou dans l’autre d’une séance à l’autre. Suite à la publication de l’article vous êtes plusieurs à m’avoir indiqué que cet outil est assez imparfait et donc peut aussi prêter à confusion. Je comprends bien le risque mais pour l’avoir utilisé deux fois depuis que l’on m’en a parlé je trouve qu’il permets quand même une comprehension en grosse maille. Bien évidemment ce n’est pas une case que l’on coche, c’est pas assez précis et chacun va avoir une interprétation personnelle de chaque catégorie. Si vous souhaitez un outil précis, Steph Doe et Alex Dirty VonP proposent une grille de définition des limites dans leur livre (je passe mon temps à vous dire que ce livre est bien parce que c’est le cas).

Donc si je résume pendant la définition des limites ou une rencontre avec une nouvelle modèle :

  1. Le meilleur outil reste les 4C. Un comprehension partagé de ces 4 points est la base de tout
  2. La classification de cet article peut permettre de dégrossir les attentes de chacun en engageant le dialogue. Bien évidemment ce n’est pas assez précis pour juste cocher une case
  3. La grille du livre « L’art du shibari volume 1 » va vous permettre de préciser les limites de façon très claire, cette fois en cochant des cases, mais pas seulement ! C’est aussi un outil support de communication.

Et souvenez vous : les limites se discutent avant et durent pour toute la soirée, elles ne s’arrêtent pas avec le retrait de la dernière corde.

“Le shibari, c’est pas pour le sexe !”

Beaucoup de personnes considèrent que le shibari ce n’est pas pour le sexe. D’après moi c’est un peu nier la renaissance du shibari, qui est clairement réapparu dans un contexte de bondage et donc de sexualité. Maintenant je comprends tout à fait que l’on peut y trouver totalement autre chose, et c’est super. J’aurai donc tendance à dire : “Le shibari, c’est pas seulement pour le sexe, c’est bien plus vaste”. Donc après tant que c’est entre adultes consentants, je ne juge pas, ni dans un sens ni dans l’autre.

Mais alors, la séance avec Norma ?

Nous avons commencé la séance sur un mode de Connexion. Celle-ci est venue tout de suite, c’est rare lors d’une première séance avec une modèle. La connexion était tellement naturelle que je pense que nous aurions pu rapidement basculer vers de la sensualité mais nous l’avions écartée pendant la discussion sur les limites. Nous avons donc basculé sur un mode plus technique puis nous sommes revenu vers un peu de connexion en fin de séance.

Shibari - juste après la suspension

Dit comme ça cela donne l’impression d’un process mental bien maitrisé mais c’est en fait bien plus rodéo et les limites d’une catégorie à l’autre ne sont pas franches. On fait au mieux, ce qui est important au final c’est de respecter l’esprit des limites que l’on a défini en début de séance.

Et moi dans tout cela ?

Personnellement j’aime travailler la connexion, c’est vraiment ce qui m’a tout de suite attiré dans les cordes. J’aurai du mal à travailler avec une modèle qui souhaite uniquement se situer dans le technique. Maintenant j’aime aussi beaucoup tendre vers une sensualité légère. Même si je m’essaie depuis peu au Polyamour, je ne suis pas libertin du tout donc pour moi il ne peut pas y avoir d’érotisme, ni même de sensualité un peu poussée, sans un solide socle d’affection entre la modèle et moi. Quand c’est le cas j’ai plaisir à aller chercher cette sensualité voir même de l’érotisme dans les cordes, que ce soit par des caresses ou par des jeux d’impacts. Comme je l’ai dis plus haut j’évite le sexe dans les cordes : cela m’intéresse mais j’aurai trop peur de ne pas pouvoir assurer la sécurité de ma modèle.

En tout cas je trouve particulièrement intéressante cette classification. Elle n’est pas parfaite mais permets d’évoquer avec un peu plus de précision ce qu’il va se passer dans les cordes pendant la phase de discussions qui précède les séances.

 

3 commentaires sur “Une classification pour les séances de cordes ?

  1. article tres intéressant! les différentes formes répondant logiquement a des niveaux de connexion. a faire lire aux futur attacheurs ( euses) ne voyant que du potentiel sexe dans les cordes. alex

    J’aime

    1. Merci pour ce retour Alexandre !
      Effectivement je n’avais pas vu l’utilité pour les futurs encordeurs, mais elle est réelle. Cela permet de voir le spectre des possibilités des séances de cordes, je n’y avais pas pensé sous cet angle …

      J’aime

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